Le 7 avril 1976, Michel Lemonnier écrit à Beat : « Mon cher Beat. (…) je te redis aussi ce que tu sais : la beauté de ta toile. J’enrage seulement d’avoir dû l’accrocher (magnifiquement) dans la partie de la maison, à côté, où habite maintenant ma mère, alors que je voudrais l’avoir sans cesse sous les yeux. Mais sa « grandeur » (et son format) m’ont obligé à l’exiler très relativement. Cela m’oblige à voir ma mère encore plus souvent ! Là, e, tout cas, elle est admirée et aimée. Nous avons disserté devant, l’autre jour, toute une soirée, avec Jacques Léger, aussi ébloui et fasciné que moi par cette grande force rouge. (…) » Parmi les toiles de la collection Lemonnier que nous avons pu repérer, cette composition, par sa dominante et son format, est une candidate vraisemblable au qualificatif de « grande force rouge ».

Beat a pris soin de signer et de dater cette œuvre. Pourtant cette date nous interroge : la manière, la matière, les couleurs évoquent une période bien antérieure de l’œuvre du peintre, autour des années 1968-1969. Au même moment, a partir de 1973-1974, Beat prépare un de ses nouveaux « virages » à 180° esquissé dans ses deux dernières « Visions de Sancho Panza » : un retour à une abstractions géométrique d’une dynamique totalement originale, tutoyant le chaos, toute en angles et en triangles, très différente de l’inspiration architecturale de ses premières années, et aux antipodes du tachisme qu’il cultivait précédemment. On ne peut s’empêcher de penser à une autre toile toute aussi anachronique, celle que nous avions titrée « Hommage à Klee » (1966), BZP2-35, et que nous avions commentée dans le même sens. Pour autant que la date donnée soit exacte, il serait donc tentant de voir dans cette composition de 1973 une démarche du même genre, illustrant à merveille l’expression : « reculer pour mieux sauter ».