Graveur ou peintre ?

1952-1953

Depuis sa fondation en 1949, l’Exposition – ou Salon – de la Jeune Sculpture est l’événement incontournable du monde de la sculpture moderne, et son rayonnement est international. Elle se donne pour tâche de promouvoir les nouveaux courants de l’art et leurs protagonistes, et de confronter les innovations. Pour l’occasion Beat a sélectionné deux de ses sculptures, « Zeitlose (l’intemporelle) », celle qu’il montre le plus volontiers, et une statue en pierre plus modeste, d’une cinquantaine de centimètres, « Flora ». On ignore quel succès aura pu rencontrer Beat pour cette première exposition parisienne où son art aura sans doute été noyé dans une offre surabondante – plus de soixante artistes exposés -, sans le relai et le soutien d’une coterie d’amis et de critiques. Fraichement débarqué dans la capitale, l’important était sans doute pour lui de participer.

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Flora (g) et L’intemporelle (d) au Salon de la Jeune sculpture, 1952

Dès la fin de l’exposition, Beat déménage. Il se décide enfin à profiter des aides que la Confédération suisse offre aux artistes en résidence à Paris, notamment aux lauréats d’une bourse fédérale. Ainsi il s’installe dès le 3 juillet 1952 à la Fondation suisse de la Cité universitaire, au 9 du Boulevard Jourdan, dans le XIVe arrondissement. Le changement n’est pas seulement géographique, selon l’axe Nord/Sud cher au Paris artistique d’Avant-guerre. La Cité universitaire est une véritable ville en marge de la Ville, juste de l’autre côté des Boulevards extérieurs, peuplée d’étudiants de tous âges, de toutes spécialités et de toutes origines, offrant cent opportunités de rencontres ou d’expositions. Pour Beat, c’est la fin de l’errance d’une chambre à l’autre, et le début d’une intégration dans la vie parisienne, avec des repères, des amis, et plus, si affinités …

Entre-temps, début septembre, une fois convenablement installé, Beat s’offre un nouveau pèlerinage espagnol via Biarritz (le 5), et culminant à Tolède (« la 2e fois, c’est 2 fois plus incroyablement fabuleux », carte postale du 8 septembre 1952), puis Madrid le 15 septembre, Saragosse, Pau et Paris. Il aura passé une semaine pleine à Tolède, accumulant de nombreux dessins destinés à la gravure.

On ne s’étonnera pas de ce que la première exposition personnelle de Beat à Paris ait lieu dans les locaux mêmes de la Fondation suisse, à la Cité universitaire, du 3 au 15 décembre 1952. Il y montre les sculptures que l’on connaît, ainsi qu’un lot de gravures polychromes sur bois, probablement produites à Paris, et aussi des huiles sur toile ou des tempera, techniques qu’il a beaucoup pratiqué durant ses études, et qu’il commence à développer systématiquement depuis son arrivée à Paris.

Cité universitaire, 3 12 1952
Exposition Zumstein, Fondation Suisse, Cité universitaire, 2 décembre 1952

Fin décembre, Beat expose quelques sculptures rue Hamelin, dans le XIe arrondissement de Paris, dans l’humble et charmante galerie d’Olga Bogroff – celle-ci expose à domicile, c’est-à-dire que chaque pièce, de la cuisine à la chambre à coucher, sert d’espace d’exposition. Beat partage les lieux avec la peintre écossaise (et bientôt célébrité Sud-Africaine) Marjorie Wallace (1925-2005), tout juste débarquée à Paris, comme son jeune collègue sculpteur

Si Beat s’installe à Paris pour se confronter à l’art international, cette influence se manifeste presque tout de suite. En Suisse, Beat se déclarait « artiste figuratif ». En laissant la sculpture, et bientôt, en « oubliant » la gravure sur bois, son art évolue désormais dans un équilibre très personnel entre la figuration et l’abstraction : des personnages figuratifs stylisés à la mode cubiste, mais restant très expressifs, sont placés dans un jeu de couleurs et de lignes de force nettement abstraits.

Dans certaines toiles les domaines figuratifs et abstraits fusionnent, dans d’autres ils s’opposent. Des motifs comme les forêts, les rochers, et toute forme de chaos naturel l’attirent particulièrement, tout comme les paysages de villes médiévales et leurs formidables empilements de pierres. Si le mélange figuratif/abstrait n’est pas propre à Beat, typique est sa volonté d’explorer avec concentration et ténacité tous les points d’équilibre possible entre les deux mondes.